"Mes quelques mots à l’endroit du Dr en Droit Ali Akbar Onanga Y’Obeghe"par Nestor Bingou

12 décembre 20190
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Docteur,

Faisant parti des compatriotes ayant commis le parjure de contester le décret portant création du poste de coordinateur Général des Affaires présidentielles et la nomination, par voie de conséquence, de monsieur Nourredine Bongo Valentin à cette prestigieuse fonction, j’ai parcouru avec un intérêt particulier votre réaction diffusée dans les réseaux sociaux, réaction tendant à tourner en dérision notre argumentaire, que vous qualifiez d’ailleurs de spécieux.

Permettez-moi déjà de passer sous silence la virulence de vos termes pour ne pas être amené à verser, nous aussi, dans des registres de langage inadaptés à ce niveau d’échanges. Vous avez noté que nous ne disons que "d’inepties", j’en conviens. Vous avez ajouté que nous ne sommes pas à mesure de répondre à vos questions pour "éviter le ridicule", cela est tout aussi vrai. Nous ne faisons que de "la distraction politicienne doublée d’une hystérie des contempteurs du Président de la République", je vous le concède, de la même manière que je suis séduit par votre conclusion qui légitime la création de ce poste de Coordinateur Général des Affaires présidentielles et la nomination, par voie de conséquence, de monsieur Nourredine Bongo, à cette prestigieuse fonction.

Mais Docteur, il y a juste quelques petits détails que vous avez volontairement ou involontairement omis de préciser dans votre rédaction pour la rendre plus intelligible. Je voudrais très humblement vous les rappeler si vous n’y trouviez aucun inconvénient.

En effet, lorsqu’un débat public touche au fonctionnement des institutions, il s’affranchit automatiquement des considérations partisanes pour revêtir une dimension républicaine et citoyenne qui nous oblige tous à ne rechercher, à partir de cet instant, que l’intérêt supérieur de la Nation. Malheureusement, en vous lisant, je ne vous ai pas senti, un seul moment, vous libérer des chaînes courtisanes pour se hisser au rang de l’homme des sciences et de l’honnête citoyen que vous êtes. En vous attaquant à tout le monde, vous avez versé dans une querelle dépourvue de tout intérêt en pareilles circonstances. L’enjeu dans ce débat n’est pas le clivage Opposition/Majorité, encore moins le Président de la République contre le Peuple. Il est ici question de l’avenir de ce que nous avons de plus cher : la Patrie ou la République, notre dénominateur commun, la seule chose devant laquelle nos divergences devraient se taire. Vous avez donc fait fausse route en vous attaquant à la fois à l’Opposition, au PDG et au Gouvernement dans ce débat. Votre développement vous positionne dans la classe des rares compatriotes qui se donnent une cécité volontaire devant à la dérive institutionnelle actuelle. Cela est dommage.

Aussi, vous n’avez pas voulu noter dans votre chef d’œuvre que les textes législatifs et règlementaires s’apprécient, non pas seulement dans leur forme et leur fond, mais aussi dans leur opportunité. Le débat actuel porte sur l’opportunité du décret querellé et non sur sa régularité. Il est tout aussi inopportun que le décret transférant les titres fonciers de l’Etat au CDC. Il doit donc être annulé. Le Gabon est un pays d’à peine deux millions d’habitants, l’équivalent de la population d’un quartier de Kinshasa. Pour diriger un tel Etat, il est inutile de créer une pléthore des postes de coordination à la Présidence de la République. Pour l’exécution de son projet de société, la constitution gabonaise met sous l’autorité du Président de la République, un vice-président de la République, un Gouvernement, une puissante machine administrative placée sous le contrôle du Secrétaire général de la Présidence, et un Cabinet politique composé d’une multitude des directeurs et des conseillers. Quelle autre attribution peut-on donner à ces instances en dehors de l’assistance et de la coordination des Affaires présidentielles ? De quelles autres Affaires présidentielles parlez-vous, qui ne soient déjà prises en comptes dans les missions d’assistance assignées aux personnalités, administrations et institutions suscitées ? Aucune Docteur ! Votre décret est donc inopportun, surtout en ce moment où le Gouvernement impose aux travailleurs des mesures d’austérité.

En outre Docteur, vous avez méconnu qu’une République ne se construit pas avec des dogmes, mais avec des principes et des valeurs qui commandent, qu’à toute épreuve, chaque dépositaire de l’autorité de l’Etat fasse montre de noblesse d’esprit et s’écarte de tout ce qui peut occasionner des soupçons de partialité ou de nombrilisme. Nicolas Sarkozy, Président de la République française, avait aussi un fils brillant quand il était aux Affaires. Mais, il n’a pas fait de lui son Directeur de cabinet ou son Premier Ministre. Macron a aussi des grands enfants par alliance. Il peut tout aussi les nommer à n’importe quelle haute fonction à la présidence de la République. Mais, ils s’abstiennent de le faire, non pas parce que la loi le leur interdit, mais par noblesse d’esprit pour éviter des confusions et des collusions entre la République et les Affaires familiales. C’est cette noblesse d’esprit qui malheureusement fait défaut dans la nomination de Nourredine, cher Docteur, pas ses références académiques et professionnelles, encore moins sa nationalité gabonaise, acquise dans un pays où tout peut se ramasser dans la rue.

Enfin Docteur, nous ne souffrons d’aucune hystérie. Ce sont vos méthodes et schémas sordides qui donnent l’impression que vous êtes hystériques à la démocratie et à l’alternance politique dans ce pays. C’est vous qui avez créé une usine de fabrication des candidats anticonstitutionnels dans la province du Haut Ogooué, des candidats que vous imposez au peuple par le canon et d’autres mécanismes immondes.

Non Docteur, nous ne sommes pas des contempteurs du Président de la République. Nous ne sommes non plus, comme vous, des apologistes de quelqu’un qui a promis l’Emergence à son peuple et ne lui a offert que la République des maquettes et des publicités mensongères. Nous ne voulons pas chanter, comme vous, les louanges de quelqu’un qui a fait massacrer son peuple à l’arme guerre, et qui a transformé notre jeune démocratie en une dictature obscurantiste et moyenâgeuse.

Non Docteur, nous ne craignons aucun ridicule à vous rappeler que votre décret est inopportun et que nous redoutons des lourdeurs à venir, des dysfonctionnements de l’institution présidentielle et des confusions préjudiciables à la République. Ce décret n’a aucun autre intérêt que de créer un Vice-président de la République bis, un Premier Ministre bis, un Secrétaire Général de la Présidence bis, un Directeur de Cabinet du Président de la République bis, donc un Président de la République bis. C’est le décret de la cacophonie institutionnelle. Nous nous réservons le droit, en tant que citoyen gabonais, de solliciter son annulation auprès du juge régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activités de pouvoirs publics, c’est-à-dire la Cour Constitutionnelle, qui serait bien fondée à apprécier de son opportunité.

Non Docteur, nous ne craignons aucun ridicule à vous dire que la nomination de monsieur Nourredine à cette prestigieuse fonction manque d’élégance et d’éthique républicaine.

Voilà Docteur, des petits détails qui ont fait défaut dans votre brillante démonstration et qui l’auraient rendu intellectuellement plus digeste.

Nestor BINGOU, Magistrat,
Ancien Procureur de la République.

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