"De l’autochtonie des Mpongwè à Libreville et sa région (l’Estuaire du Como)"Pr Wilson-André Ndombet

26 juillet 20210
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Depuis quelques mois, nous écoutons une bande sonore qui est devenue virale dans les réseaux sociaux. Elle a pour objet de remettre en cause l’autochtonie des Mpongwè sur les rives de l’estuaire du Como (la région de Libreville actuelle).

Cette dernière version selon laquelle les Mpongwè ne seraient pas les premiers bantu et Gabonais autochtones de la région de l’Estuaire du Como n’est pas crédible ou fondée. Elle ne repose que sur une version controuvée ou montée de toutes pièces !

En effet, comment remettre en cause le principe d’autochtonie des Mpongwè jusqu’ici attesté par les premières sources d’archives relatives aux premières explorations portugaises et hollandaises parlant du Rio Pongo (rivière ou pays des Mpongwè), dès le Xve siècle (Lire Dapper Olfert, Paterson k David, etc.).
) ? Dans la mesure où, l’auteur n’a qu’une version des faits ; sans l’avoir confrontée ou comparée à celles (versions) des peuples Mpongwè et Ajumba y compris pour y avoir originellement vécu, à celles d’autres sous-groupes NGWE-MYÈNÈ et du groupe OKANDÈ (Simba, Apindji, Pové, Tsogho Evéa et Okandé), eux-mêmes également concernés.

Sans oublier de collecter les versions relatives à l’arrivée des Sekiani, des Akèlè et, plus tard, des Fang, lors des dernières migrations des peuples du Gabon vers la région de l’Estuaire du Como ( Libreville actuelle). Celles-ci auraient pu mieux édifier l’auteur de cette bande sonore, en ce sens qu’elles font forcément référence aux premiers contacts avec les peuples autochtones ou au désert humain prétendument existant !

Autrement dit, que nous disent les sources orales des clans originels Andiwa, Adjumba, Adoni et autres clans Mpongwè qui revendiquent l’autochtonie (premiers occupants) sur cet espace dont l’auteur de la bande sonore, en question, n’évoque absolument pas ?

Ne peut-on pas dire que cette version, doutant de l’autochtonie des Mpongwè, nullement évoquée jusqu’à plus ample informé ailleurs, ni même dans la célèbre émission historique de la Radio Télévision Gabonaise (RTG) : "Le Gabon une Province" de notre regretté patriote, Richard Moubouyi ? Que cacheraient ces velléités manifestes de reconstruction idéologique ou d’appropriation du principe d’autochtonie de la région de l’Estuaire ?

Si telle n’est pas le cas, il me paraît plus crédible contrairement à l’hypothèse d’une origine ivéa relative à cet espace côtier (Estuaire) celle, sans doute commune et reconnue par tous, de la région du Haut-Ivindo réputée être le berceau originel et commun à tous les locuteurs Omyènè ( Ngwe-myènè) et Mèmbè ( Okandé). Cette allusion itérative dans toutes les sources orales des peuples Tsogho, Mèmbè ou Okandè et Ngwe-myènè qui y vivaient, auparavant, en coalescence territoriale me paraît plus crédible.

En effet, les Adjumba par exemple avant de devenir tout un peuple composé de nouveaux clans et lignages et de vivre sur les bords du lac Azingo et de l’Ogooué, faisaient partie d’un clan du peuple originel des Mpongwè. Les conclusions relatives à l’analyse de leurs sources orales anciennes étudiées par Wilson André Ndombet l’attestent sans réserve (Cf. "Histoire des Ajumba du XVème siècle à 1972", Thèse de Doctorat en Histoire, Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne, Paris juin 1989, 639 p.) qu’ils ont historiquement également vécu à l’estuaire du Como aux côtés des Adoni et autres clans Mpongwè, notamment des Andiwa ; considérant leur coalescence territoriale autour et dans l’île Dambè (actuelle île Coniquet devenue depuis leur extermination par les Hollandais en 1698).

Cependant, l’ histoire ancienne des Ajumba ne fait pas référence à une rencontre avec les Portugais. Et, par conséquent, ceux-ci seraient partis de la côte bien avant le XVème siècle, précisément, avant l’arrivée des Portugais, en1472, y laissant d’autres clans Mpongwè sous la pression desquels, notamment les Adoni avec lesquels ils semblent s’être le plus avoir cohabité. Et, par ricochet, ceux-ci paraissent avoir été obligés de quitter cet oékoumène en direction de la région actuelle du Cap Lopez, puis des bords du lac Azingo bien avant l’arrivée des explorateurs portugais, au XVème siècle.

En réalité, cette version véhiculée par l’auteur de la bande sonore relative au droit de premier occupant des Evéa sur l’Estuaite du Como à l’épreuve des faits, est complètement fausse et controuvée.

C’est un montage qui n’est fondé sur aucune source ; pour ne pas dire sur une véracité des faits historiques contradictoirement vérifiables. Dans la mesure où, aucun autre argumentaire contradictoire, même à l’arrivée des Hollandais, en 1698, et dans leur guerre contre les maîtres désormais devenus de ce territoire, les Andiwa, ne permet de remettre en cause le principe d’autochtonie des Mpongwè. Ceux-ci durent d’ailleurs seuls combattre les Hollandais qui finalement les exterminèrent. Là aussi, il n’est point évoqué l’éventualité d’une présence des Ivéa !

Quant aux Adjumba, de clan originel mpongwè, avant leur migration vers leur implantation finale dans la région de Lambaréné (lac Azingo), ils ne se souviennent pas d’avoir rencontré les Portugais dans la région de l’île Dambè, ni dans celle du Cap Lopez actuelle. Ce qui remet bien entendu à plutôt leur présence dans cette région de l’Estuaire du Como.

Dans la même optique, les peuples Adjumba et Adoni, bien compris parmi les premiers clans Mpongwè installés dans la région de l’Estuaire du Como, n’évoquent pas dans leurs traditions orales de même avoir cohabité avec les Ivéa sur les rives de l’Estuaire.

En revanche, l’auteur de cette version semble ignorer une parenté lointaine et antérieure aux dernières migrations vers la côte atlantique - sans tous y parvenir- des groupes NGWE-MYÈNÈ et Okandé dont participent les Ivéa eux-mêmes. il paraît probable que, la cohabitation dont fait allusion l’auteur de ladite bande sonore procéderait d’un raccourci historique et ferait plutôt écho d ’une période, jusqu’à à plus ample informé, plus lointaine et à situer probablement dans la région du Haut-Ivindo. Lequel espace se situe en amont de la rivière du Como dont son estuaire est sollicité ici pour justifier une présence Ivéa sur la côte avant les Mpongwè. Et, pourtant, tous ces peuples reconnaissent dans leurs sources orales avoir cohabité dans la région du Haut-Ivindo, lieu de départ de l’ensemble de leurs diverses migrations en direction de leurs habitats respectifs actuels.

À cela, il faut ajouter la référence à l’expression linguistique du viel Omyènè, mbatchikororo dont parlait l’historien Atoz- Ange Ratanga et qui ne se différenciait probablement pas totalement du Ghetsogo ou de l’Okandè ancien. Lesquels idiomes ou langues sont encore aujourd’hui parlées dans certains de nos rites initiatiques anciens et communs, mais que je ne développerais pas ici.

Le reste n’est que raccourcis historique loin de la véracité des faits.

Wilson-André NDOMBET,
 Docteur en Histoire des Sociétés et Civilisations Africaines- Université de Paris1, Panthéon-Sorbonne, juin 1989 ; - Docteur en Sciences Politiques, Université de Paris1, Panthéon- Sorbonne, juin 1990. Professeur Titulaire des Universités à L’UOB, CAMES, St Louis (Sénégal), juillet 2015.

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