"Le Mvet est un genre littéraire dans un registre épique" Odome Nteme Angone

24 septembre 20220
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D’un point de vue esthétique, le Mvet est un genre littéraire dans un registre épique. Sa performance oratoire est mise en scène par un diseur de récit (très souvent un homme), à la rhétorique déclamatoire, faisant alternativement office à la fois de joueur de mvet (sorte d’harpe-cithare), parolier et dépositaire par excellence de la mémoire collective.

Au cours d’une session de mvet-oyeng (récit dithyrambique), il relate des heures durant, un épisode élogieux tiré du narratif mythologique. Les intrigues tournent généralement autour de batailles extraordinaires souvent remportées par les héros prodigieux (masculins) du peuple fang/ékang, en perspective avec leurs appétits expansionnistes, à mesure des mouvements migratoires.

Dans ces récits patriarcaux, les femmes (mères de, sœurs de) ont, à quelques exceptions près, un rôle secondaire caricaturale de trouble-fêtes (souvent diabolisées ou hypersexualisées, manipulatrices à l’origine de conflits). Les courts interludes musicaux sous forme de couplets entrecoupant le récit fleuve, ont une visée pédagogique pour rompre la monotonie, afin de maintenir l’auditoire en haleine.

D’un point de vue philosophique, le paradigme épistémique propose une réflexion existentielle autour d’une triade entre « l’Homme », la mystique de la Mort et concomitamment celle de l’Immortalité.

La mise en évidence se joue en filigrane par le truchement d’une lutte acharnée affrontant deux groupes belligérants : les habitants d’Oku (pays des mortels) et ceux d’Engong (le pays mythique/mystique des Immortels). Les habitants d’Oku tentent de ravir en vain, sans trêve, le secret de l’immortalité au peuple d’Engong. Peut-être qu’un jour le peuple d’Okü y arrivera puisqu’Akoma Mba n’existe plus que dans le souvenir et que, par ironie du sort, les descendants d’Ekang Nna ne le sont plus que de façon platonique.

En dialogue avec l’imaginaire ethnonyme, le narratif mvétéen a pour effet motivateur, à l’image d’une masterclass en développement personnel, de donner une image positive de soi en terme d’assurance et de confiance en soi, eu égard aux exploits/conquêtes historiques de nos ascendants.

Quel est l’intérêt d’utilité public d’un récit fondateur glorificateur dans la construction de l’imaginaire collectif d’un peuple, peut-on ici se demander ? Autrement dit, comment opère un mythe fondateur laudatif dans la construction de l’identité sociale d’un individu à l’aune de l’inconscient collectif de production.

Savoir que l’on descend d’une lignée de conquérants, ayant engrangé des conquêtes supposées aux prouesses hors du commun, rassure la descendance dans son rapport à soi et aux autres. Par effet de parallélisme, l’héritier culturel d’une telle lignée d’ancêtres ne peut que se sentir fier de ses origines et par conséquent inondé, habité par l’aura de ses ascendants.

En un mot, la théorie d’un mythe fondateur laudatif a pour effet psychologique de rassurer l’estime de soi en déplafonnant la crainte, la peur et toute forme de vulnérabilité face à l’impasse parce qu’on se dit «  par le passé si les miens ont pu, moi aussi je pourrais parce que ce n’est pas le droit ni de faillir encore moins de les décevoir ».

ODOME NTEME ANGONE

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