GABON/L’indignation de l’OPAM face à la loi contre les journalistes critiquant la Cour constitutionnelle

9 décembre 20210
Partager

Le jeudi 02 décembre 2021, Reporter sans frontière (RSF), organisation internationale de défense des journalistes bien connue, twittait : « Désormais, les journalistes critiquant la Cour constitutionnelle pourront faire l’objet de poursuites judiciaires et de peines de prison. Si cette décision n’est pas annulée, elle constituera une remise en cause inédite de la dépénalisation des délits de presse. »

Cette alerte est consécutive à l’adoption par les députés, de l’ordonnance n°010/PR/2021 modifiant et complétant la loi organique n°9/91 du 26 septembre 1991 sur la Cour constitutionnelle. En son article 13a nouveau alinéa 2, le texte dispose : «  Toute personne physique ou morale ou tout organe ou agent de presse auteur de menaces, d’outrages, de violences et d’attaques de quelque nature que ce soit contre la Cour constitutionnelle ou l’un de ses membres peut être traduit devant le tribunal correctionnel suivant la procédure de flagrant délit ».

Traduisant l’inquiétude de RSF, le tweet trouve tout son sens, sans sophisme juridique. Partageant la même inquiétude, l’Organisation patronale des médias (OPAM), s’étonne de ce que des fonctionnaires de l’Etat, tapis à la présidence de la République, se faisant passer pour des journalistes, animant une multitude de sites corbeaux, en viennent à tourner en dérision la prise de position de RSF. Tout en apportant tout son soutien à RSF, l’OPAM dénonce l’adoption par les députés à l’Assemblée nationale, d’une ordonnance liberticide, perfide, répressive et à l’antipode total de l’idéal démocratique des Gabonais.

Si dans le texte controversé le terme « Violences  » ne pose aucun problème de compréhension, il n’en est pas de même pour les termes « outrages » et « attaques ». A l’usage, ce sont souvent les personnalités ou agents bénéficiant de ces délits qui en définissent les contours et en tirent profit.

Quant aux « attaques », les articles de dénonciation publiés par la presse, sont malheureusement et systématiquement considérés comme des « attaques  » par la classe dirigeante du Gabon. La critique et la dénonciation et par extension l’analyse qui ne plait pas sont donc désormais susceptibles d’envoyer les journalistes en prison, lorsqu’il s’agira de la Cour constitutionnelle.

Du fait de cette ordonnance, les membres de la Cour constitutionnelle deviennent de fait, des citoyens entièrement à part. Déjà, lors de la révision constitutionnelle de janvier 2021, le régime avait doté les membres de la Cour constitutionnelle de protections « contre les menaces, outrages, violences et attaques (...) dans l’exercice de leurs fonctions (...) et même après la cessation de celles-ci. » Ne pouvant s’arrêter en si bon chemin, il menace maintenant « toute personne physique ou morale ou tout organe ou agent de presse  » de poursuites judiciaires « suivant la procédure du flagrant délit. » En clair, plus personne n’aura le droit de critiquer son action, sous peine de se voir déféré devant le procureur de la République, interrogé puis jeté en prison à la plus prochaine audience.

Cette ordonnance, avouons-le, fait la promotion de la pensée unique. Elle retire au peuple, et particulièrement à la presse, l’une des rares libertés dont elle pouvait encore se prévaloir, la liberté d’expression. Dans les régimes inspirés de la Constitution française de 1958, une seule institution est assimilable à son titulaire : le président de la République. Or, tout et chaque jour, Ali Bongo est attaqué, critiqué ou moqué. Jamais il ne s’est offert un luxe ou un privilège de la même nature que celui que vient de se tailler la Cour Constitutionnelle.

Cette institution qui relève du pouvoir judiciaire, se place-t-elle désormais au-dessus du président de la République et du pouvoir législatif ? Ne va-t-elle pas donner au Président de la République et aux deux chambres du parlement, l’envie de jouir des mêmes privilèges ? Comment a-t-elle pu laisser passer une ordonnance conférant à ses membres des droits égaux à ceux de l’institution ? Comment a-t- elle pu entériner un texte interdisant toute critique de son action ? Même en convoquant l’autorité de la chose jugée, on ne peut s’opposer au libre commentaire de l’action publique. Sauf à faire la promotion de la pensée unique, on ne peut chercher à restreindre l’exercice du droit à la liberté d’expression.

L’OPAM dit non à cette dérive autoritaire et demande aux autorités concernées de bien vouloir retirer cette ordonnance qui n’honore ni la Cour Constitutionnelle, ni le régime en place encore moins le Gabon.

Fait à Libreville, le 06 Décembre 2021
Le Président Guy Pierre BITEGHE

Dans la même rubrique

0 Commentaire(s)

Poster un commentaire