JMLP/GABON : François NDJIMBI et la liberté de la presse en question !

10 mai 20170
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Le Gabon, à l’instar des autres pays du monde, a commémoré la journée mondiale de la liberté de la presse le 03 mai 2017 à la Chambre de Commerce de Libreville. François NDJIMBI, Directeur de la publication du média en ligne GabonReview, a tenu un discours en sa qualité de président du comité d’organisation.Le professionnel des médias,comme un avocat,a défendu la corporation et émis le souhait que les hommes des médias soient bien formés dans toutes les strates du métier ... Le contenu dans ce qui suit.

À l’occasion de cette journée de célébration de la liberté de la presse, je me réjouis, en ma qualité de représentant des professionnels des médias, du thème retenu pour ces rencontres : « Le rôle des médias dans la promotion des sociétés pacifiques, justes et inclusives ». Un thème assez évocateur, au regard de l’actualité politique en cours dans notre pays. En effet, comme l’ont reconnu des acteurs politiques importants de tous bords, le Gabon est sorti fortement divisé, pour ne pas dire déchiré, de l’élection présidentielle d’août dernier. Ce contexte invite donc naturellement à s’interroger sur le rôle des médias dans la promotion de la compréhension mutuelle, de l’entente entre les populations et de la cohésion sociale.

Un lieu commun est de rappeler que les médias constituent surtout un puissant vecteur de relance sociale. Ils sont en effet censés purger la société de ses pulsions destructrices en consolidant la concorde et le vivre ensemble à travers un consensus arc-en-ciel. On ne le sait que trop : les médias contribuent largement à fixer les modes de pensée, à déterminer en grande partie les idées, les habitudes et les coutumes. Ils sont devenus en quelque sorte les "juges de la vérité", ils peuvent décider et dicter la mode, la consommation, les modes de vie. Ils établissent ce qui est juste et ce qui est mal, et décident quels sont les événements importants et significatifs dans le monde. C’est en ce sens qu’il est si pertinent de réfléchir sur « Le rôle des médias dans la promotion des sociétés pacifiques, justes et inclusives ».

Quel que soit son combat, en sa qualité de chien de garde des libertés, la presse a le devoir d’œuvrer pour la pacification de la société. Toutefois, mesdames messieurs, distingués invités, les médias ne peuvent convenablement jouer ce rôle que si certaines conditions sont réunies.

Pour notre part, il y en a au moins trois : que les médias soient des entreprises viables, que les hommes des médias soient bien formés dans toutes les strates du métier, que le marché publicitaire soit accessible aux médias, afin que l’exercice libre de leur métier soit garanti lorsqu’ils ne seront plus à la merci des puissances politiques et des puissances d’argent.

Mesdames messieurs distingués invités, si l’on doit reconnaître que la situation des hommes des médias est relativement bonne au Gabon, comparativement à d’autres pays, ces trois conditions sont loin cependant d’être réunies. En effet, rares sont les médias qui jouissent d’une certaine stabilité financière en tant qu’entreprises, et même les médias de service public n’échappent pas à cette instabilité.

Mais, la viabilité des entreprises de presse concerne également la disponibilité des hommes et des femmes bien formés au métier. S’il est vrai que ce métier permet d’accueillir des acteurs venus d’horizons divers, il est cependant utile que ceux-ci soient formés, même en interne, aux techniques du métier et aux règles déontologiques de cette profession.

Comme on le sait, la publicité constitue la source principale de financement des entreprises de presse. Or, la non-organisation du secteur de la publicité handicape fortement les médias. Si la subvention allouée par l’État, au titre de l’aide à la presse, a permis à certains médias de s’équiper, cette subvention n’est véritablement qu’un appoint par rapport à l’objectif affiché : celui d’avoir des entreprises de presse viables.

Enfin, si les libertés d’exercer ce métier sont garanties au plan formel, dans la pratique les choses ne sont pas aussi simples qu’on le croit. Il suffit de parcourir le nouveau Code de la communication pour apprécier la finesse de la lame de l’épée de Damoclès qui menace d’étêter la presse gabonaise dans sa grande diversité.

Mesdames messieurs distingués invités,
Œuvrer pour promouvoir « les Sociétés pacifiques, justes et inclusives », suppose que les quelques conditions sommairement évoquées ci-haut soient plus ou moins réunies, afin que la presse puisse prétendre à participer efficacement à la construction des sociétés pacifiques, justes et inclusives.

Toutefois, même si ces différentes conditions étaient réunies, l’on ne devra pas perdre de vue que les médias vivent au sein des sociétés qui sont par essence écartelées par des ambitions et intérêts centrifuges. Ces ambitions sont mues par des puissances politiques, économiques, religieuses, etc. et le plus souvent instrumentalisées par les pouvoirs politiques. Cette situation est une réalité permanente, elle est d’ailleurs d’actualité de par le monde.

Le contenu des médias gabonais reste dominé par les questions politiques, au détriment d’autres préoccupations tout aussi importantes sinon plus importantes pour la promotion d’une société pacifique, juste et inclusive. Les journalistes ne s’intéresseront vraiment à la diversification de l’économie, au développement de l’agriculture, à la promotion des arts et de la culture et à bien d’autres sujets d’intérêt communautaire que lorsqu’ils se libéreront des petites enveloppes des hommes politiques qui influencent les lignes éditoriales d’un grand nombre de médias, surtout les plus suivis.

La presse ne saurait cependant se départir de son rôle de chien de garde de libertés démocratiques. Partout et en tout temps, les journalistes essaient d’incarner avec force et vigueur ce rôle de chien, ce rôle de cerbère, pour la sauvegarde des libertés qui sont l’essence même de cette société que nous voulons tous pacifique, juste, inclusive, pour nous et pour le meilleur des générations futures. Cet idéal est la condition de la viabilité de l’entreprise démocratique.

Mesdames messieurs, distingués invités, au nom de la liberté d’aboyer, je vous remercie.

François NDJIMBI, par Martial TSONGA

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