PIERRE SIMEON ATHOMO/EXPERT IMMIGRATION : « Aucun acte xénophobe n’a encore été enregistré sur le territoire gabonais… »

2 août 20160
Partager

A la veille d’une élection présidentielle dont le principal débat est axé sur la question de la filiation d’Ali Bongo Ondimba, le président gabonais candidat pour un nouveau septennat,selon certains observateurs, la xénophobie serait une réalité dans ce petit Etat d’Afrique centrale. Dans cette interview accordée à Gabonews, Pierre Siméon Athomo Ndong, Docteur en Droit, Ancien Président de la Commission Nationale des Refugiés/Gabon, donne son avis sur cette controverse.


Gabonews/En 2015, un journal gabonais a publié un article sur le niveau élevé du nombre d’étrangers au Gabon. Cette forte présence étrangère peut-elle être bénéfique, ou au contraire, un danger pour le Gabon ?

Dr Pierre Siméon ATHOMO NDONG/Il faut d’abord retenir qu’en matière d’accueil des étrangers, chaque pays gère le principe du « seuil de tolérance » qui se définit comme la quantité des étrangers acceptables dans un pays sans que les nationaux ne se sentent envahis. Concernant le principe du « seuil de tolérance », les Nations Unies ont posé le problème à travers notamment La Convention de Genève sur le statut des réfugies et La Convention créant l’Organisation Internationale pour les Migrations.
Pour la question posée, je peux observer que les autorités en charge de la « Police des Étrangers » n’estiment pas qu’il y ait trop d’étrangers au Gabon. Dès lors, il n’y a donc pas de raison de croire que les étrangers constituent une menace pour le Gabon.
En revanche, il faudrait se poser la question de savoir si le tissu économique du Gabon dispose d’une capacité d’absorption de ces étrangers. Alors ce serait une chance pour un pays qui vise l’émergence et qui reconnaîtrait froidement que ses seules ressources mériteraient d’être renforcées.

Le Gabon peut-il expulser ou refuser de recevoir des immigrés sans être source de critiques de la communauté internationale ou des pays d’origines de ces immigrés ?

Le Gabon est un Etat Souverain. Et, en matière de politique migratoire, chaque Etat choisit les étrangers autorisés à séjourner sur son territoire. Et cela est vrai pour la « Police classique des étrangers » et pour l’asile. A ce propos, deux restrictions peuvent être relevées :
 Les étrangers bénéficiant d’une préférence conventionnelle C.E.E.A.C qui, au titre de la décision de Kigali de 1990, ont le droit de séjourner au Gabon pendant 90 jours, et qui, au-delà de ce délai, doivent se conformer aux lois et règlements sur l’établissement des cartes de séjour s’ils remplissent les conditions requises.
 Les étrangers qui fuient en masse un Etat en guerre et qui bénéficient du principe de « Non Refoulement » en sont de ce fait éligibles « Prima Facies » au statut de réfugié, lequel doit être confirmé au jugement des autorités compétentes au terme d’une procédure de détermination individuelle du statut de réfugié.
Pour revenir à votre question, au titre de son droit souverain, le Gabon peut, de ce fait, expulser un étranger dans le respect des Droits Fondamentaux de la personne humaine ; notamment la dignité et l’intégrité physique de la personne humaine.

Le Gabon est à la veille de la présidentielle de cette année. La forte présence des étrangers peut-elle perturber le déroulement de cette élection ?

De fait, il m’appartient de spécifier que les parties prenantes à un processus électoral sont d’avance déterminées par le code électoral gabonais de manière claire. Sur ce, en ce qui concerne l’élection présidentielle, tout comme n’importe quelle autre élection au Gabon d’ailleurs, les étrangers ne sont pas concernés ; seuls les gabonais en âge de voter et inscrits sur la liste électorale sont conviés à cette opération. Certes, les étrangers peuvent être intéressés par cette échéance politique majeure, mais leur présence sur le territoire gabonais ne saurait affecter en un cas aucun le processus électoral.

Certains estiment que les gabonais sont xénophobes. Quel est votre avis sur la question ?

Il faut d’abord rappeler que la question migratoire discrimine les Etats en trois groupes établis comme suit :
Les Etats d’origines ;
Les Etats de transition ;
Les Etats de destination finale pour clore avec ce chapitre.
Le Gabon qui n’a aucune tradition migratoire établie, n’est concerné que par le second et dernier point.

Mais, revenons à notre préoccupation. Selon le dictionnaire Larousse, un xénophobe est une personne qui manifeste de l’hostilité ou de la haine envers les étrangers et, aujourd’hui si l’on prend en considération la définition proposée par Larousse, l’on peut, sans risque d’erreur, de dire qu’aucun acte xénophobe n’a encore été enregistré sur le territoire gabonais. Mais il n’est pas impossible que les actes qui sont beaucoup plus liés au franchissement du seuil de tolérance en ce qui concerne la proportion acceptable du nombre d’étrangers par rapport à la population pourraient avoir été constatés.

Cependant, d’une manière générale, le Gabon est une terre d’amitié sur laquelle vivent en paix des étrangers qui respectent ses lois et règles d’une part, et qui respectent les us et coutumes qui peuvent varier d’une province à une autre, voire d’une ville à une autre d’autre part. D’ailleurs, à ce sujet, feu Président Omar BONGO disait, « quand l’étranger vous apporte sa force de travail, apportez-lui votre amitié en retour ».

Propos recueillis par Georges-Maixent Ntoutoume
Photo : geoview.info

Dans la même rubrique

0 Commentaire(s)

Poster un commentaire