Dans une lettre argumentée et partagée à toute la hiérarchie du sénat, l’ancien premier ministre de Joseph Kabila a énuméré les manquements à la bonne gouvernance dont les donateurs se sont rendus coupables.

Il a dit que plusieurs députés des parlements provinciaux ne sont pas payés depuis de longs mois, au prétexte qu’il n’y a pas d’argent. Que si on n’avait pas voulu les payer, on aurait pu utiliser les 40 millions d’USD (soit 24 milliards de FCFA) pour construire trois à quatre universités de province, sinon plus de 400 écoles primaires à travers le pays, ou bien ériger quatre grands hôpitaux régionaux.

L’ancien cadre supérieur de la banque centrale de RDC a ajouté qu’à défaut de construire, le gouvernement Tshisekedi aurait pu acheter 2 avions Airbus 310 de moins de 10 ans, sinon 100 bus pour renforcer le parc automobile de la compagnie nationale de transport urbain.

Les effets politiques de ce pamphlet n’ont pas tardé. Le même jour de sa publication, le pauvre Jean Marie Kalumba, ministre congolais de l’économie, a été censuré par sa propre majorité parlementaire, donc viré du gouvernement. Au pays de la lutte contre les gaspillages, il fallait sacrifier une personne pour épargner tout l’exécutif.

2. La rébellion politique d’Augustin Matata Ponyo ne date pas d’aujourd’hui. En 2018, il était le seul haut cadre du régime Kabila à refuser publiquement de soutenir son ancien ministre de l’intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, investi par le président Kabila pour la présidentielle de décembre 2018. Motif : "il ne défend pas les mêmes valeurs que moi". Autrement dit, pour moi c’est un criminel. Il faut dire qu’à l’époque, M. Ramazani Shadary était sous le coup d’un mandat d’arrêt international délivré par la CPI.

Il faut dire aussi que la plupart des observateurs politiques congolais s’attendaient à voir Matata Ponyo désigné comme successeurs du patron, au regard de son bilan élogieux à la tête du gouvernement. Mais Joseph Kabila en avait décidé autrement, et son disciple n’avait pas voulu faire semblant devant Ramazani.

Trois ans plus tard, précisément le 12 mars 2021, Augustin Matata Ponyo quittait le parti et la coalition de Joseph Kabila, sans pour autant cogner au portail du président Félix Tshisekedi.

De toutes façons personne dans le nouveau régime congolais ne lui a fait de faveur, mais il s’en sort toujours. Malgré la levée de son immunité parlementaire, toutes les huit procédures pénales contre sa gestion politique auprès de Joseph Kabila ont été abandonnées par les juges anticorruption. Le procureur de la République lui a délivré en conséquence une lettre en bonne et due forme.

Aujourd’hui Augustin Matata Ponyo est redevenu un sénateur jouissant de sa pleine immunité, comme ses collègues parlementaires. Ce professeur d’économie est peut-être entrain de suivre le chemin d’un autre ancien premier ministre congolais : Étienne Tshisekedi wa Mulumba.

Mouila, le 31 mars 2022
Philippe César Boutimba Dietha