AFFAIRE KANGA : "Ce que j’ai aimé… Ce que je n’ai pas aimé" Par Berleck Leckobat

28 mai 20210
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Ce que j’ai aimé dans l’affaire Kanga, c’est la réaction express de la Fégafoot, sa réponse à la CAF. La Fédération Gabonaise de Football avait jusqu’au 4 mai pour présenter ses éléments de défense dans ce dossier. Elle l’a fait le 1er mai dans un mémoire responsif comportant "toutes les preuves irréfutables et formelles du parcours sportif en clubs et de l’éligibilité de Guélor Kanga Kaku au sein de la sélection nationale du Gabon conformément aux dispositions réglementaires de la CAF et du Code civil gabonais." De quoi battre en brèche "les allégations fallacieuses et sans preuves de la Fecofa." L’institution a su défendre son joueur, sa qualification et le pays. Normal.

Ce que j’ai aimé dans l’affaire Kanga, c’est voir des supporters prendre les choses à la légère, railler la République Démocratique du Congo, encenser le Gabon. Ce qui est normal. Même quand le Gabon est mené 3-0 à dix minutes de la fin d’un match, les supporters continuent… de supporter. Convaincus que le résultat sera différent. A chacun son rôle. Un match de football ne se joue-t-il pas en 90 minutes !

Ce que j’ai aimé dans l’affaire Kanga, c’est qu’on n’ait pas attendu un média international pour que le pays soit alerté sur la bombe en gestation. Oui, on savait que la RDC avait brandi l’idée d’une plainte contre le Gabon après son élimination le 25 mars à Franceville. Mais oui, près d’un mois plus tard on était presque passé à autre chose, avant que des révélations nous viennent de l’intérieur. Elles ont été balayées, moquées, raillées. Canal+ a ensuite douché l’enthousiasme des plus sceptiques, qui se sont encore relevés en prétextant une main noire de Kinshasa dans les révélations. La saisine officielle de la CAF a refroidi les derniers Pangloss. Chacun a dû trouver des formules pour sortir la tête du sac, toute honte bue. Tout est pour le mieux… !

CE QUE JE N’AI PAS AIMÉ…

Ce que je n’ai pas aimé dans l’affaire Kanga, c’est de voir qu’un journaliste ne peut plus faire librement son travail. Et qu’exposer les faits tels qu’ils se présentent était devenu un acte antipatriotique. Que révéler cette affaire au grand jour exposait les intentions et les ambitions de récupération d’une institution sportive, qui n’est d’ailleurs la propriété de personne.

Ce que je n’ai pas aimé dans l’affaire Kanga, c’est l’optimisme "patriotique" de certains confrères. Une sorte de naïveté. Du journalisme de poche. Des ventriloques. Loin des analyses pertinentes et de la critique, nombreux ont versé dans le "faire plaisir". Une attitude de supporters déjà exprimée lors du contentieux face à la Gambie. Emportés par cet élan dit patriotique, tous avaient vanté les mérites du dossier Gabon. Un dossier "béton." Il a fondu à la CAF comme neige au soleil. Silence radio.

Ce que j’e n’ai pas aimé dans l’affaire Kanga, c’est quand on feint d’ignorer que certains présidents de clubs, se sentant tout puissants, avaient longtemps procédé à des naturalisations à tour de bras au sein de leurs effectifs pour contourner la règle de limitation du nombre d’étrangers en championnat national. C’est dans ces conditions que plusieurs joueurs ont obtenu la nationalité gabonaise. Un examen minutieux des conditions de naturalisation de tout ce monde ferait certainement frémir au-delà du dernier cas querellé.

Ce que je n’ai pas aimé dans l’affaire Kanga, c’est que des anciens internationaux veuillent se substituer aux journalistes. Avoir porté les couleurs d’une nation n’a jamais conféré une légitimité scientifique à un individu. Le maillot de la sélection nationale ne délivre aucun diplôme d’exclusivité sur les questions du football national. Il ne doit d’ailleurs pas vous situer au-dessus de l’agent municipal qui colle les timbres sur les actes de naissance de nos enfants à la mairie. Car lui aussi porte les couleurs du Gabon. A sa façon. Répondre aux journalistes est devenu l’unité principale de mesure de votre apport au développement du football national. Vous vous trompez de cible.

Ce que je n’ai pas aimé dans l’affaire Kanga, c’est le fait de croire que celui qui tient un point de vue différent n’est pas un patriote. Nul n’a le monopole du patriotisme. Il n’y a d’ailleurs aucun instrument de mesure du patriotisme. Au contraire, ceux qui ont procédé à la mise en bière du Gabon ont chanté leur amour pour ce pays au quotidien. Comme tous les conseillers qui ne servent à rien, on est juste bon pour plaire au chef. Sans jamais lui présenter la réalité des faits et les risques encourus. Flatter pour mieux enterrer. Carpe diem. Seul l’instant présent compte. Tant pis pour demain.

Ce que je n’ai pas aimé dans l’affaire Kanga, c’est l’absence de projection derrière. Derrière avec en 2012 l’affaire Charly Moussono. Eliminatoires Coupe du monde 2014. Le Gabon perd sur tapis vert face au Niger. On est d’accord que ce n’est pas la même situation. Derrière encore avec en 2017 l’incompréhension autour de Mario Lémina et Merlin Tandjigora.

Deux joueurs sous le coup d’une suspension, mais alignés face à la Côte d’Ivoire en éliminatoires de la Coupe du monde 2018. Belle victoire (1-2) des Panthères sur le terrain de Bouaké. Puis défaite par forfait (3-0). Amende de plus de 3 millions de F CFA. Jean-Félix Mba Nzé suspendu de ses fonctions. Le Comité exécutif de la FEGAFOOT reproche à son Secrétaire Général de n’avoir "pas rendu compte" de la suspension des deux joueurs "alors que la FIFA lui [avait] notifié ces suspensions". On est d’accord, là aussi, que la situation est différente. Mais ces cas révèlent une absence de rigueur de nos dirigeants.

Ce que je n’ai pas aimé dans l’affaire Kanga, c’est l’absence de projection vers l’avant. Pour mieux envisager demain. Demain, dans une sélection qui comptent encore des joueurs venus d’autres cieux. Demain, pour qu’un regard minutieux soit porté sur leurs conditions de naturalisation. Demain, pour des sélections plus propres. Demain, pour ne pas retomber dans les mêmes travers.

BERLECK LECKOBAT
Journaliste Sportif

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