Massacre de la faune au Bénin : le dernier Éden menacé

17 mars 20150
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Le Parc National de la Pendjari est un des joyaux d’Afrique, renfermant la plus grande population d’éléphants d’Afrique de l’Ouest ainsi que d’autres espèces menacées telles que le buffle, le lion, le guépard, le lycaon, l’hyène, et des milliers d’antilopes (damalisques, hippotragues, bubales, cobes de Buffon, cobes Defassa, cobes des roseaux,...etc) on peut ainsi conclure que le Parc de la Pendjari est un des tous derniers sanctuaires de la faune sauvage en Afrique de l’Ouest.

Alors que des braconniers et trafiquants notoires d’ivoires avaient pu être arrêtés et condamnés en 2014, contre toute attente, la surveillance du Parc National de Pendjari semble avoir été suspendue en ce début d’année.

Une arrestation vient d’être réalisée en dehors du parc ce vendredi 13, qui a porté malheur à deux trafiquants de faune parmi de nombreux autres. Cette opération a été réalisée par les forces de l’ordre et les forestiers avec l’appui du Procureur de la République, et a été rendue possible grâce au projet AALF-B développé par le réseau EAGLE et l’ONG Nature Tropicale. Au total, 157 trophées et dépouilles d’animaux ont été saisis lors de cette opération : peaux, cornes, os d’éléphants, carcasses de crocodiles, de pythons, de plusieurs espèces d’antilopes (guib harnaché, céphalophe) et de carnivores (genette et une tête qui serait celle d’un jeune lion), de patas, de caméléons, etc. Une bonne surveillance au sein même du parc aurait peut-être pu empêcher cela mais la situation semble hors contrôle, ce qui arrange les braconniers et complices.

Les raisons en sont entre autres les pressions politiques orchestrées par les braconniers et trafiquants de faune et leurs complices. Les mairies de Tanguiéta et Materi n’ont pas hésité à suspendre par l’Arrêté Communal du 29 Décembre 2014, les activités des Associations Villageoises de Gestion des Réserves de Faune (AVIGREF), qui assurait la surveillance en collaboration avec les gestionnaires du Parc. Or, les solutions alternatives mises en place ne semblent pas efficaces et le braconnage est en plein essor. La présence ponctuelle de militaires non formés dans le parc et leur manque d’expérience en la matière constituent même un risque si leur gestion n’est pas bien organisée.

Le guide Adamou Akpana organisant des visites écotouristiques du Parc de la Pendjari depuis plus de vingt ans explique que le parc est plus menacé que jamais. « De nombreuses carcasses d’antilopes jonchent le sol et des éléphants ont également été tués dans le Parc. Le braconnage et le trafic se généralisent progressivement ».

Près de 3.000 éléphants, 20.000 antilopes et plus de 200 grands félins sont maintenant à la merci des braconniers et sérieusement menacés. Alors que les appuis financiers pour la gestion et protection du parc sont importants (Union Européenne, coopération allemande, UICN), ils ne sont manifestement pas déployés sur le terrain efficacement.

A ce jour, le massacre a commencé et se poursuit quotidiennement y compris dans les zones les plus fréquentées. Les touristes sont indignés devant les dépouilles d’animaux, et ressentent un sentiment d’insécurité face à la circulation de braconniers armés sur les circuits touristiques. Les visions de carcasses d’animaux et les retentissements de coup de feu ne font en effet pas bon ménage avec l’écotourisme et c’est ainsi toute l’image du Bénin qui risque d’en prendre un coup.

Luc Mathot, directeur-fondateur de l’ONG Conservation Justice explique : « J’ai eu la chance de visiter deux fois le Parc National de la Pendjari en 2014. C’est un endroit magnifique et la faune y abonde encore au point que c’est un des derniers édens d’Afrique de l’Ouest. Imaginer que des milliers d’éléphants, d’antilopes et de grands félins pourraient y être abattus rapidement est aberrant, surtout qu’il n’y a pas de problèmes de capacité ou de moyens mais juste un manque de volonté ». Il semble en effet que des complicités existent avec les braconniers et que certaines autorités ont avantage a laissé le parc sans aucune surveillance. C’est malheureusement le facteur clé dans la réussite des projets de conservation, et les bailleurs comme les ONG ne peuvent pas grand chose si ce problème n’est pas réglé.

Joséa S. Dossou Bodjrènou, Directeur de Nature Tropicale ONG, Membre de l’UICN : « Le spectacle de massacres d’animaux sauvages auquel nous assistons dans la Parc National de la Pendjari ces derniers temps est juste inimaginable. Est-ce une vengeance ? Et contre qui ? Comment concevoir qu’une ressource si importante soit laissée sans surveillance par des autorités et pour combien de temps ? Et que des braconniers continuent d’abattre si facilement des animaux au cœur et dans la zone touristique du Parc ? Je crois qu’il y a urgence d’actions de la part des instances supérieures que nous soutenons afin que diligence soit faite ».

Seules les hautes autorités béninoises pourraient ramener la quiétude en considérant et utilisant tous les partenaires pour une protection efficace de ce patrimoine universel. Rappelons que le système de collaboration avec les AVIGREF a obtenu le Prix Équateur 2014 décerné par le PNUD. Supprimer ce système est un risque sérieux et les alternatives n’ont en tout cas pas encore montré de résultats.

Contacts utiles :

Luc MATHOT, Directeur de Conservation Justice (Gabon), mail : luc@conservation-justice.org, Tél : 00241 04 23 38 65 / 00241 06 12 37 28

Josea S. DOSSOU-BODJRENOU, Directeur Nature Tropicale ONG (Bénin), Membre de l’UICN, mail : ntongmu@yahoo.com, info@naturetropicale.org , Tél : 00229 95 40 94 14 ; 00229 96 10 08 37, 00229 93 48 99 15

Adamou AKPANA, Guide touristique Pendjari, Tél : 00229 97 35 45 58

Perrine ODIER, Coordinatrice Réplication EAGLE Network, Mail : perrine.odier@gmail.com, Tél Bénin : 00229 615 602 96 ; Tél : Guinée : 00224 624 393 846

Pendjari pétition : petition_pendjari@yahoo.fr

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