Éric Konako Faubert, showman certifié du gymnase aux salles de spectacle

8 janvier 20230
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© D.P.G. / Karrington / Gabonews

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Le Gabon qui gagne. Voici une expression que nous déclinons avec conviction dans le but de présenter les différents viviers de talents que composent nos compatriotes. À travers un échange avec des personnalités singulières. Qu’elles bénéficient d’une reconnaissance publique ou privée dans leur domaine. Une volonté de partager à travers Gabonews, l’expérience de Gabonais, pour mieux servir d’exemple à ceux dans la recherche de témoignages.

Éric Konako Faubert, ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il circule dans les cercles établis du sport de combat et de la musique, depuis de nombreuses années. Rencontrer une personnalité aussi discrète soit-elle n’est pas toujours chose aisée. Il faut la cerner et établir un contact le plus simplement possible. C’est ainsi que l’on obtient dans son cas, une réponse rapide et directe : Je suis OK let’s go !

Le rendez-vous est fixé loin de la météo librevilloise, dans le 10e arrondissement de Paris en France, précisément devant le New Morning. Salle de concerts qui affiche ce 8 Décembre 2022, deux groupes new-yorkais de rap pour nous mettre dans l’ambiance décontractée de l’interview. Il s’agit des vétérans Lords of the Underground et Onyx. Le 7 Rue des Petites Écuries se transforme ce soir-là en un repère d’amateurs de Hip-Hop.

Pris dans les embouteillages, Eric ne manquera pas de s’excuser et de nous tenir informé de sa géolocalisation. Dès son arrivée, il démontre sa connaissance du quartier, les lieux qui le composent, tout comme les vigiles postés aux portes.

Il a été précédé sur place de son double Kanta, à la carrure patibulaire et l’air observateur. C’est en trio que va se dérouler la rencontre. Des hommes de l’ombre au partenariat solide, forgé depuis leur jeunesse. Deux esthètes qui prennent leurs distances avec une certaine idée de la célébrité. Un statut non-applicable à leurs yeux, car ils préfèrent naviguer lorsque les lumières sont éteintes. Malgré tout, ce seront celles de la plus belle avenue du monde qui éclaireront le décor de notre shooting photo sous la rosée. Nous effectuons cet exercice quelques semaines plus tard, en toute improvisation. EKF a été saisi lors d’un nouveau passage dans la capitale française, à quelques jours du réveillon de Noël.

Quel est votre point de départ professionnel ?

E : Dans le sport de combat, c’est l’organisation d’un tournoi en 2013, Wicked One Tournament. On a pu réaliser six à sept éditions. Le but était de repérer des jeunes talents sur un tournoi à huit, quart de finale, demi-finale. La finale se passait sur un événement ultérieur. L’importance de cet événement ? On ne faisait que salle comble. C’étaient les premiers événements sur Paris (Salle Japy dans le 11e) à faire 1 500 personnes à guichets fermés. J’ai commencé à organiser le Muay Thaï Grand Prix. Une organisation anglaise, je me suis associé avec le CEO, pour pouvoir l’organiser en France. Ensuite, on a décidé de la développer dans le monde. En deux ans, nous sommes passés de deux à huit pays. Aujourd’hui, on organise dans une dizaine de pays, dont la France, l’Angleterre, la Bulgarie, la Grèce. Le 29 Décembre 2022, ce sera notre première édition au Vietnam et on travaille pour l’Afrique : Abidjan, Libreville et sur différents territoires africains.

Comment êtes-vous arrivé dans l’événementiel ?

E : Très simple ! Quand j’étais jeune, j’ai passé une licence en spectacle. En parallèle de ça, je pratiquais les sports de combat et c’est très logiquement que j’ai lié les deux. Les études et la passion puis j’en suis venu naturellement à organiser des galas de boxe dans des configurations de spectacle. Il faut savoir qu’avant ça, j’organisais des concerts, tournées d’artistes. On a fait la deuxième partie de la tournée de La Fouine, pour l’album Mes Repères [2009], vers 2011-2012.

C’est vous qui amenez La Fouine au Gabon ?

E : Oui, mais avant que je le fasse tourner et je me rappelle que c’était au stade avec Jmi Sissoko. Les tournées qu’on a organisées pour lui, étaient essentiellement en France.

À travers quelle structure ?

E : [Pensif] C’était au tout début… Je ne me rappelle plus du point de départ de l’événementiel et ça tombe bien que Kanta soit présent avec moi aujourd’hui. Mon frère, ami de toujours avec qui je fais tous les coups [rires]. On avait monté un studio d’enregistrement en 2011. Sa deuxième fonction, c’était l’organisation de concerts, showcases et festivals (Youssoupha, Léa Castel, Sefyu, Booba). Quand on a décidé d’arrêter nos activités pour diverses raisons, je me suis plus concentré sur le sport. De là, j’ai fait du sport de l’événementiel.

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Sortir du gymnase

Il y a sept ans dans l’émission Au bout de leurs rêves sur Télésud, vous disiez que votre volonté était d’apporter le show dans les événements sportifs.

E : Exactement, ce que je voulais apporter, c’était le côté entertainment qui manquait sur la boxe thaï. À l’époque, quand vous alliez regarder un combat dans un gymnase, c’était voir deux mecs se battre puis vous rentriez à votre domicile. La salle et le public étaient froids, il n’y avait pas comme aux États-Unis, où l’on peut regarder un match de basket avec des pom-pom girls, etc. C’est ce qui m’avait déçu, car je combattais dans des salles… S’il n’y avait pas mes potes pour m’encourager, limite, il me fallait un pull tellement la salle était froide. Je me suis dit, c’est dommage, car en tant que combattant, je fais des sacrifices autant que n’importe quel autre hors sportif. Vous vous retrouvez dans une salle à Porte de Clignancourt où vous combattez uniquement devant vos amis. Ce qui est nul. J’ai essayé de monter le truc un peu plus haut. L’idée avec Muay Thai Grand Prix, c’était de rentrer le sport de combat dans des salles de spectacle prestigieuses. La première édition que j’ai organisée en France, c’était sur les Champs-Elysées (Pavillon Champs-Elysées qui est devenu une salle de jeux). On a fait salle comble, c’était une réussite totale.

Pouvez-vous nous parler de vos rencontres respectives avec les boxeurs Camerounais Dany Bill, septuple champion du monde de muay thaï, et le Congolais Bob Sita ? Qui seraient à l’origine de votre entrée dans le monde de la boxe à 21 ans, six mois après, vous entrez en compétition.

E : Bob Sita, c’était le grand frère à Ermont. Quand on était ado, il faisait office d’animateur au quartier, pour nous montrer le droit chemin. Grâce à lui, on a pu s’exprimer en studio d’enregistrement et de répétitions, chanter, rapper, faire du sport dont la boxe. Selon les profils de chacun, il y en avait qui faisaient du sport ou de la musique. Nous, pour le coup, on faisait les deux. En l’an 2000, on organise un événement avec Bob, pour récolter des dons à envoyer en Éthiopie. On avait invité le groupe de rap Sniper et Sita avait convié La Brigade ainsi que Dany Bill. C’est là que l’on fait sa connaissance. Nous étions dans la musique, Dany aussi, on se rapprochait de lui en tant que rappeurs, donc plus sur le côté musical. Il faisait venir des Américains (Wu-Tang, Cocoa Brovaz, Buckshot, Das EFX). Lui étant toujours dans le sport, un jour, il me dit, écoute là, je vais au sport, vu que t’as rien à faire, accompagne-moi. Je porte son sac de sport et on arrive à la salle, il me dit, au lieu de rester assis, entraîne-toi avec les autres ou regarde-moi m’entraîner. Cela a démarré comme ça et le lien est toujours resté musical et sportif.

Vous êtes issu d’une fratrie de sportifs ?

E : Oui, mes sœurs faisaient du sport, mais elles se sont arrêtées, car mes parents ne voulaient pas. Je sais qu’une d’entre elles avait le niveau olympique, parce qu’elle devait rentrer dans l’équipe de Taekwondo, mais mon père lui a dit de d’abord passé son Bac. Après, elle n’a jamais repris. Je suis natif de Libreville et j’ai grandi à Ozangué derrière le Sacré Coeur. Les parents sont venus en France pour le travail après ils sont rentrés, mais nous, les enfants sommes restés. Je ne vis plus dans l’hexagone, mais en Angleterre. J’ai un frère dans le Sud, une sœur en région parisienne, une autre en province, un autre aux USA. On est un peu partout.

Affiche Muay Thaï Grand Prix du 10 Juillet 2022

Parmi vos contacts figure une autre binationale, Laetitia Bakissy, qui a participé à votre événement en Juillet 2022 au Cirque Bouglione.

E : On se connaît depuis pas mal d’années. Un jour, mon père a vu une de mes affiches avec son nom dessus et il m’a dit qu’elle ne pouvait être que gabonaise.

Quel est le boxeur et le sportif qui vous a le plus inspiré ?

E : Mohamed Ali, au-delà de son parcours sportif, c’est aussi celui de l’homme et son engagement. D’ailleurs chez moi, je n’ai qu’un seul poster, c’est lui. En tant que sportif, je dirais Floyd Mayweather, parce qu’il n’a aucune défaite. Cinquante-et-un combats, cinquante-et-une victoires. Il faut le faire !

Et dans l’entrepreneuriat ?

E : La personne qui m’inspire et m’encourage, c’est Cam, le frère de Benjamin Epps. Parce qu’on a grandi ensemble et sans avoir fait le même parcours, on s’est retrouvé dans la même mentalité au bout de quelques années. On s’appelle quasi quotidiennement, on se raconte des anecdotes et comme cela se motive. C’est vraiment le personnage que je respecte. Parce qu’il entreprend des choses et je sais à quel point c’est compliqué pour lui de l’autre côté. Le fait de voir cette personne réussir malgré cette difficulté, évidemment ça me motive, même si ici, nous en avons d’autres, il faut quand même les surmonter. C’est la personne dans l’entrepreneuriat que je respecte le plus. Actuellement, il a sorti un livre sur le sujet.

© Nya Publishing LLC

Les étoiles sont alignées

Qu’est-ce que vous pouvez nous révéler sur l’aventure du rappeur Benjamin Epps ?

E : C’est vraiment la définition de quand c’est ton étoile, personne ne peut se mettre en travers. Les croyants diraient pareil avec Dieu. Il est arrivé avec un tas d’obstacles, à partir du moment où il s’est levé et a dit, hé moi, c’est ce que je fais comme musique, venez les grands frères, on l’a fait ensemble. C’est parti, ça a démarré et tracé sa route. En fait, ça ne fait pas si longtemps, que deux ans. Si Benjamin voulait percer dans la musique, il n’aurait pas fait ce style de rap. On n’était pas dans le calcul. Ok, tu veux faire ça ? Continues de faire tes études, on va te donner un coup de main. Sans attendre quoi que ce soit de l’industrie musicale. La stratégie, c’est qu’on n’avait pas de stratégie.

Kanta : Ça a commencé de manière atypique. Tout reste atypique, mais de toute façon, il l’est de base. À l’origine c’est un pur kif, de faire son projet, ses morceaux et de les sortir. Quand tu n’attends rien, tu fais des choses qui te dépassent.

Photo issue du Twitter @BenjaminEpps3 de gauche à droite : Epps, Konako, Kanta & Saik’1ry

Il y a eu son concert parisien monté en indépendance totale.

E : Ça fait dix ans que nous sommes dans l’événementiel. Monter un concert, on le fait les doigts dans le nez, mais quand on communique c’est je suis Benjamin Epps et fais mon concert seul. Pour les gens, ça parait fou parce que c’est vrai que c’est dur d’en faire un.

Vous en avez fait une entreprise.

E : Évidemment ! Qu’est-ce qu’une entreprise en termes marketing ? On ne communique pas sur ceux qui sont derrière. Si les gens se disent, il arrive à vendre du merchandising, parce que nous sommes là, ça perd tout son charme. Cela n’enlève rien à sa musique. Moins ils savent qui il y a derrière, mieux c’est.

K : On n’est pas là pour se mettre en avant sauf quand ça vient d’une bonne initiative comme la vôtre, c’est différent.

E : Il y en a qui aiment sortir leurs noms ou qui sont juste managers et se mettent sur le même piédestal que leur artiste. Chacun à sa place. Avant Benjamin, on l’a fait pour personne et peut-être qu’on ne le fera plus. Pourtant, il y en a plein qui nous disent, de signer des artistes, qu’on a le savoir-faire.

K : Il a une fraîcheur et une originalité que les autres n’ont pas. Ça se trouve, tu sors son projet Le Futur [Décembre 2020], un ou deux mois après et le résultat n’est pas identique. Son œuvre est tellement organique que les gens se posent des questions.

Pilier solide

Question que l’on pose souvent aux gens issus de la diaspora : tu rentres quand  ?

E : Je rentre tous les ans, ça se trouve la semaine prochaine, j’y serai. Mes parents vivent là-bas. Je suis myéné, parle ma langue, vais à Lambaréné, au lac [rires].

K : Il est toujours connecté.

E : [Pointant Kanta] Lui qui est mon meilleur ami d’origine sénégalaise, il connaît Libreville, vient avec moi à Lambaréné. Tout comme je suis déjà parti au Sénégal. J’espère qu’on pourra y aller avec Epps. Nous sommes en train de le préparer pour Dakar.

Est-ce que vous avez déjà apporté votre expérience au Gabon ou saisi une opportunité ?

E : J’ai déjà essayé plusieurs fois… Mais c’est compliqué de faire quelque chose sans les autorités. Quand nous sommes indépendants, ce n’est pas facile. On peut être contacté, mais on refuse par anticipation sur le résultat final.

Pourquoi il y a trois drapeaux mis en avant dans la description de votre compte Instagram ?

E : Le Gabon en tant qu’origine. La France, c’est par rapport à la langue. L’Angleterre est mon pays de résidence.

C’est un choix professionnel ou personnel pour le dernier ?

E : À la base, un choix familial qui s’est transformé en professionnel. Mes aïeux viennent d’Angleterre. Ma grand-mère était une métisse anglaise et gabonaise. Une de mes grandes sœurs qui a vécu douze ans là-bas, côtoie la famille anglaise. On est clairs de peau, ce n’est pas pour rien. Au niveau des opportunités professionnelles, c’est meilleur, par rapport à ce que j’aspire. En France, je commençais à devenir limité. Outre-Manche, j’ai fait en deux ans, ce que j’aurais mis dix ans à faire ici.

Quel est le mot de la fin ?

E : L’avenir de l’Afrique, par les sports de combat. Aujourd’hui l’homme le plus fort du monde, c’est Francis Ngannou. Je pèse mes mots. Ils disent que son crochet est deux fois plus fort que celui de Mike Tyson. On en parle très peu. C’est un pratiquant de MMA que l’on devrait mettre en avant. Au même titre que les sportifs Gabonais qui malheureusement n’ont pas atteint le haut niveau. Il y a le football, c’est une bonne chose, mais il y a aussi les sports de combat. Dans chaque pays (Gabon, Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire) il y a des combattants qui sont talentueux. Les meilleurs que l’on trouve actuellement en Occident sont des Africains. Mon souhait, peut-être à partir de 2023, c’est de faire des événements pour le continent. Détecter ces nouveaux talents, regardez Israel Adesanya, vous avez des Nigérians, des Ghanéens, à part Ngannou qui est Camerounais, il y en a énormément. Israel a un peu grandi en Angleterre et après, il a fui. Souvent on est trop concentrés sur ce qui se passe aux É-U. Il ne faut pas oublier qu’ils ont beau briller là-bas, mais avant, ils se sont formés en Afrique. Les gens vont détecter des footballeurs africains, maintenant ils viennent tous en France. C’est pareil pour les sports de combat. Les futurs meilleurs combattants seront des Africains ayant grandi sur place.

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